
Gestion des imprévus en orthodontie par aligneurs
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Un traitement orthodontique efficace avec la technique Invisalign repose avant tout sur une planification précise du ClinCheck. Une bonne maîtrise du système et de ses principes fondamentaux est essentielle pour assurer le succès du traitement.
Toutefois, comme pour les traitements par bagues classiques nécessitant des ajustements (recollage de brackets, ressorts, auxiliaires de torque radiculaire), des déviations par rapport au plan initial peuvent survenir avec les aligneurs. Ces imprévus sont une partie normale du processus et peuvent être corrigés grâce à des finitions (aligneurs supplémentaires) ou en appliquant des techniques de troubleshooting et de finition adaptées.
Dans cet article, nous explorerons en détail les stratégies permettant d'optimiser les résultats en anticipant et en corrigeant ces ajustements tout au long du traitement.
Techniques auxiliaires et gestion des imprévus
Lorsqu’un problème d’ajustement survient avec un aligneur, plusieurs facteurs peuvent être en cause : une mauvaise planification du traitement, la biologie du patient ou un manque de compliance. Ces problèmes peuvent être corrigés par des techniques auxiliaires adaptées.
Évaluation des problèmes de fit

- Moins de 1 mm : Vérifier la compliance du patient. Si des mouvements complexes sont identifiés (bleus/noirs dans ClinCheck), allonger la durée de port à 10-14 jours. Dans ce type de cas il est essentiel de rappeler au patient d'utiliser les chewies.
- Entre 1 et 2 mm : Utiliser des pinces de finition (rotations antérieures, mouvements in/out) ou des techniques auxiliaires (rotations postérieures, extrusion, Tip radiculaire).
- Plus de 2 mm : Réaliser un nouveau scan.

Correction des rotations dentaires
Un décalage entre la position de la dent et celle prévue par l’aligneur peut indiquer une rotation non suivie.

- Manque de suivi : Le patient a changé d’aligneur trop tôt. Solution : revenir à l’aligneur précédent et poursuivre à partir de celui-ci + chewies.
- Manque d’espace : Le logiciel a commencé le mouvement avant que l’espace nécessaire ne soit créé. Solution : réaliser un IPR adéquat et utiliser des pinces de finition.
- Gestion des rotations difficiles : Pour des rotations complexes (2nd prémolaires, latérales en position linguale), demander un re-staging en laissant de l’espace avant d’entamer le mouvement. Le logiciel prévoit naturellement de faire ces deux mouvements en même temps ce qui n'est pas prédictible.
- Canines en rotation et problème de tip : Si un mouvement combiné de rotation et tip radiculaire est demandé en même temps, un décalage peut apparaître. Solution : utiliser des boutons et une powerchain après IPR.

Correction des mouvements verticaux
Problème d’intrusion
Un manque d’espace peut empêcher les dents de se déplacer correctement, conduisant à une intrusion involontaire.
- Prévention : Vérifier les contacts interproximaux avec du fil dentaire à chaque rendez-vous. Aligneo vous recommande d'utiliser la jauge de 0,1mm.
- Solution : Réaliser un léger IPR pour libérer l’espace et permettre un mouvement fluide.
Problème d’extrusion

L’extrusion d’une incisive latérale peut être facilitée par une technique auxiliaire spécifique dite TCE chez Aligneo.
- Trim : Découper une encoche sur la face vestibulaire et linguale il faut aussi enlever le taquet pour faciliter le mouvement.
- Coller 2 boutons : Face vestibulaire et linguale de la dent.
- Élastiques : de préférence 4.5 oz, 3/16” en liant les deux boutons
Gestion des canines ectopiques

- Un canine ectopique doit être virtuellement éliminé dans le ClinCheck pour éviter les erreurs de tracking.
- Pour ce faire demander la création d'un espace large (1,5x la taille de la canine) entre incisives et prémolaires + mise en place d'un pontic.
- Une fois l’espace ouvert, utiliser des élastiques extrusifs pour guider la canine vers sa position finale.
- Appliquer des boutons vestibulaires et linguaux pour favoriser une extrusion contrôlée.
- Le pontic doit être ajusté pour ne pas interférer avec l’éruption de la dent.
- Une fois la canine bien positionnée, réaliser un nouveau scan et demander des aligneurs additionnels.
Gestion du Tip radiculaire
Le contrôle du Tip radiculaire est un élément essentiel, notamment dans les cas d'extractions ou d'agénésies dentaires. Une bonne gestion de l'axe radiculaire permet de fermer correctement les espaces et de rétablir une occlusion fonctionnelle.
Redressement radiculaire molaire et prémolaires

Chez certains patients, des molaires peuvent présenter une inclinaison sévère, parfois causée par un traitement orthodontique antérieur. Pour corriger cette inclinaison :
- Un ancrage temporaire (TAD) est placé en position mésiale par rapport aux molaires.
- Un fil sectionnel relie les molaires à la minivis pour faciliter le redressement.
- Autre exemple : Dans le cas d'une bascule mésiale d'une racine prémolaire, un power arm peut être utilisée avec une powerchain reliant le power arm à un bouton collé sur la deuxième molaire.

Gestion de la mésialisation postérieure
Correction par mésialisation
Lorsqu’un patient présente une édentation postérieure (ex. absence d'une première molaire), une alternative à l’implant est la mésialisation des molaires adjacentes.

- Un fil sectionnel est utilisé en complément du port des aligneurs.
- Un ressort est placé entre la deuxième molaire et une minivis pour générer une traction mésiale.
- La traction du ressort doit être la plus parallèle au TAD afin d’éviter une bascule mésiale indésirable.
Réouverture d’un espace pour une molaire manquante
Dans certains cas, l’ouverture d’espace est nécessaire pour corriger une Classe II ou préparer la pose d’un implant. L’ancrage est essentiel pour éviter des mouvements radiculaires indésirables.

- Si les troisièmes molaires sont présentes, elles servent d’ancrage naturel et empêchent le mouvement de tip distal des 2nd molaires.
- Un ancrage Locatelli (un arc en U) peut être placé entre la deuxième molaire et le deuxième prémolaire pour stabiliser les mouvements.
- Grâce à cet ancrage, la deuxième molaire reste stable tandis que le deuxième prémolaire se mésialise.
Intrusion antérieure de plus de 4 mm

Lorsqu'une intrusion incisive importante est nécessaire (>4 mm), l'utilisation de mini-vis (TADs) est recommandée.
Technique avec 2 TADs
Les TADs sont placés entre la racine des latérales et des canines. Cela permet d’optimiser l’ancrage et d’éviter d’utiliser quatre mini-vis.
- Des boutons esthétiques sont collés en marge cervicale des incisives supérieures.
- Des élastiques légers (2 oz) sont utilisés pour générer une force d’intrusion progressive.
- Port des élastiques :
- 12 heures sous les quatre incisives.
- 12 heures sous les seuls incisives centrales afin d’éviter une intrusion excessive des latéraux.
Considérations cliniques
- Le patient doit être informé du risque éventuel de gingivectomie durant l’intrusion.
- Des radiographies de contrôle doivent être réalisées tous les six mois pour surveiller la résorption radiculaire.
- Les aligneurs doivent être ajustés uniquement sur la face labiale pour permettre l’intrusion des dents.
Technique avec 4 TADs
Si un praticien préfère une technique plus stable :
- Placer deux mini-vis en vestibulaire et deux en lingual.
- Un élastique est tendu entre les vis vestibulaires et linguales, passant par-dessus l’aligneur.
Ces techniques permettent un contrôle précis des mouvements d’intrusion et garantissent une meilleure stabilité à long terme.
Gestion de l’intrusion de la cuspide mésio-vestibulaire de la première molaire
L’inclinaison mésiale de la couronne de la première molaire maxillaire peut se produire lorsque l’aligneur ne laisse pas suffisamment d’espace pour la réduction de la longueur de l’arcade. Cette situation est généralement causée par :
Causes principales
-
Perte d’ancrage : Lors de la rétraction des incisives supérieures après une distalisation des molaires ou dans un cas d’extraction, la longueur de l’arcade diminue pour fermer l’espace. Cela entraîne une flexion de l’aligneur par manque d’espace dans le sens antéro-postérieur. En conséquence :
- Les incisives supérieures s’extrudent.
- La cuspide mésiale de la première molaire maxillaire s’intrude.
- IPR insuffisant : Une réduction interproximale mal exécutée ou réalisée trop tard dans le traitement peut empêcher un mouvement fluide des dents, créant des contraintes excessives sur l’aligneur.
Prévention
- Torque incisif : Ajouter un torque suffisant sur les incisives avant de fermer un espace d’extraction ou d’entamer la rétraction.
- Renforcement de l’ancrage postérieur : Utiliser des auxiliaires (TADs, boutons, powerchains) pour stabiliser les molaires et éviter leur intrusion.
- Planification ClinCheck : Assurer un staging progressif pour la fermeture des espaces d’extraction prémolaires afin de minimiser le risque d’effets secondaires.
Correction de l’intrusion molaire

Si l’intrusion de la molaire est déjà présente, elle peut être corrigée en suivant ces étapes :
- Sectionner l’aligneur supérieur en distal de la deuxième prémolaire pour relâcher les contraintes.
- Créer une découpe pour bouton sur la molaire inférieure correspondante.
- Utiliser un élastique intermaxillaire reliant la première molaire maxillaire à la première molaire mandibulaire (1/8’–3/16’, 4.5 oz) pour corriger l’intrusion.
Ces ajustements permettent de restaurer une occlusion équilibrée et d’éviter des déséquilibres secondaires lors du traitement par aligneurs.
Gestion des rotations prémolaires supérieures à 45°
Pour limiter la durée du traitement, il est recommandé de reporter la correction des rotations des prémolaires aux dernières étapes du traitement. Cette approche permet de réduire significativement le nombre d’aligneurs actifs nécessaires.

Pourquoi retarder la correction des rotations ?
- En programmant la correction plus tard, le logiciel ne considérera pas ces prémolaires comme des dents guides.
- Cela permet d’éviter de ralentir le mouvement des autres dents, améliorant ainsi l'efficacité du traitement global.
Techniques de correction des rotations prémolaires
Pour assurer une correction efficace et prévisible :
- Placer des boutons orthodontiques et des powerchains linguales au stade du ClinCheck où la rotation commence.
- Appliquer les powerchains sur la face linguale afin de guider la rotation et garantir un mouvement plus contrôlé.
Cette approche optimise la prévisibilité du mouvement et évite les effets secondaires indésirables sur l’alignement général des dents.
Correction d’une béance postérieure
Une béance postérieure peut apparaître au cours du traitement :
Causes principales
- Bowing effect : Ce phénomène survient lorsque l’aligneur ne laisse pas assez d’espace pour la réduction de la longueur de l’arcade. Cela entraîne une flexion de l’aligneur et une béance postérieure.
- Contact prématuré en zone antérieure : Après une expansion, un manque d’overjet ou un torque lingual excessif des incisives supérieures peut provoquer un contact précoce sur les dents antérieures. Lorsque cela se produit, une ouverture postérieure de l’occlusion apparaît.
Prévention
Pour éviter la formation d’une béance postérieure, il est recommandé de :
- Créer un overjet positif lors d’une expansion significative de l’arcade.
- Appliquer un torque labial suffisant sur les incisives supérieures avant de fermer l’espace antérieur par rétraction.
Solutions pour corriger une béance postérieure
- Béance légère (≤ 1 mm) : Sectionner les aligneurs en distal des canines pour permettre l’éruption des dents postérieures. Ces aligneurs sectionnés doivent être portés pendant plusieurs semaines.
-
Béance supérieure à 1 mm :
- Sectionner les aligneurs en distal des canines.
- Coller des boutons sur les dents postérieures.
- Utiliser des élastiques de stabilisation pour aider à fermer la béance.
-
Présence d’une courbe de Spee résiduelle sur l’arcade inférieure :
- Créer des découpes pour boutons sur l’aligneur maxillaire.
- Sectionner uniquement l’aligneur inférieur en distal des canines.
- Favoriser l’extrusion des dents inférieures pour corriger la courbe de Spee restante.
-
Option alternative avec de nouveaux aligneurs :
- Demander au technicien d’ajouter un torque labial supplémentaire sur les incisives supérieures.
- Effectuer une IPR de 3 à 3 sur l’arcade inférieure.
- Reculer et intruder les incisives inférieures pour rétablir un overjet positif.
- Demander un simulation jump (ajustement virtuel) pour fermer la béance postérieure.
Précaution importante
Il ne faut pas demander au technicien de fermer la béance postérieure en extrudant les molaires et prémolaires, car ce mouvement est difficile à obtenir avec les aligneurs.
Correction de la rotation canine et des déséquilibres antéro-postérieurs
La rotation excessive d’un canine supérieur peut compliquer la correction d’une malocclusion de Classe II. Il est donc essentiel d’adopter une approche ciblée en fonction de la position initiale de la dent.
Techniques de correction
-
Si le canine est mésial-in en position initiale :
- Placer la découpe de précision sur la face vestibulaire.
-
Si le canine est mésial-out en position initiale :
- Coller un bouton orthodontique sur la face linguale du canine.
- Placer un élastique sur la surface linguale pour favoriser une rotation mésial-in.
- Cette technique permet également de corriger simultanément la malocclusion de Classe II.
En appliquant ces stratégies, il est possible d’améliorer la prévisibilité du mouvement des canines tout en optimisant l’alignement global de l’arcade.
Conclusion
La gestion des imprévus en orthodontie par aligneurs est essentielle pour garantir un traitement efficace et des résultats optimaux. Grâce aux techniques auxiliaires, aux ajustements précis et à une planification rigoureuse du ClinCheck, il est possible d’anticiper et de corriger les écarts tout au long du traitement.
En intégrant ces stratégies, les praticiens peuvent maximiser la prévisibilité des mouvements dentaires et assurer une occlusion fonctionnelle et esthétique durable. Une approche proactive et un suivi rigoureux sont les clés du succès pour optimiser chaque traitement Invisalign.